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 Monsieur Joseph Aboukhalil :
maître et combattant du quotidien

 

 
 

C'est en 1969-1970, sanglé dans son costume cravate de couleur sombre, accompagné de son inséparable cartable, que Monsieur Joseph Aboukhalil, notre professeur d'histoire géographie et de traduction, fait une entrée remarquée en classe de 6°C1.
Sa réputation de professeur exigeant l'avait précédé. On ne plaisante pas avec lui. N'est-il pas l'adjoint de Monsieur Manoli, le redoutable et redouté préfet de discipline ? Parcimonieux pour les notes, n'est-il pas aussi habile à manier le verbe (en arabe, en français, en latin) qu'à tirer à la craie le crâne du rêveur au fond de la classe ?

Je revois ses cours d'histoire des civilisations anciennes dans le vieux Malet et Isaac. Et ses cours de traduction, dans le fameux d'Alverny et Hajjar.
Rigueur de la présentation, complétée par un résumé dicté ; travail sur carte murale ; souci du détail et précision de la terminologie, cela marque les élèves que nous sommes : nous nous sentons grandir !

Les règles, les tournures et les idiomes, le Pschent des pharaons, les ziggourats des mésopotamiens, les trirèmes des phéniciens, le siècle de Périclès et les conquêtes d'Alexandre n'avaient plus de secrets pour nous. Intransigeant sur le travail et le sérieux, exigeant avec lui-même d'abord, il peut aussi l'être avec nous.

Quelques années plus tard, en première année de droit, mon cours d'histoire des institutions juridiques et politiques a davantage de sens. Je retrouve avec intérêt les cours de Monsieur Aboukhalil sur la démocratie athénienne ! En 1979-1980, je débute comme professeur d'histoire en sixième, puisant et plagiant à loisir ces cours qui m'ont tant marqué.

J'ai appris de Monsieur Aboukhalil que toute matière est indispensable à l'éveil culturel et à l'ouverture au monde, quand elle est rendue intéressante par un professeur compétent.

En 1981, jeune surveillant en troisième, je fais mes armes dans le bureau de Monsieur Azar. Monsieur Aboukhalil y passe systématiquement toutes ses heures libres. Il n'en a pas beaucoup. Il ne vient pas chez Monsieur Azar pour lui rendre visite ou pour boire du café et rencontrer du monde. Il est là parce qu'il y a dans la pièce une table libre à laquelle il s'installe pour corriger inlassablement, avec vigueur et méthode, ses nombreux paquets de copies. Quand ses élèves réussissent mal un devoir, il me confie parfois, à moi, son ancien élève qui est passé maintenant de l'autre côté de la barrière, ses interrogations et ses remises en question. A-t-il bien réussi à faire parvenir son enseignement ?

J'ai appris de ce professeur chevronné que dans le métier d'enseignant rien n'est jamais définitivement acquis et que la conscience professionnelle nécessite une continuelle remise en question.

Je retrouve Monsieur Aboukhalil en 1993, Secrétaire de la préfecture des grands. Combattant du quotidien avec un courage sans égal et une ténacité à toute épreuve, il est toujours là. Il préfère planifier son travail et l'anticiper. Faisant tout lui-même, il me réconforte aux périodes de pointe par son : " ". Payant de sa personne et de son temps, toujours fidèle au poste, d'une courtoisie et d'une discrétion sans faille, n'interrompant la cadence du travail que pour partager et déguster ses fameux bonbons à la menthe ou ses sandwichs de confiture faite maison. Une fois la tâche ingrate accomplie, il me lance non sans fierté : " " !

J'ai appris auprès de lui le goût du travail bien fait quels que soient les obstacles.

Chacun de nous enseignants, présents ici ce soir, a embrassé cette carrière pour des raisons diverses et propres à lui-même. Mais chacun de nous est devenu professeur parce qu'il a rencontré un de ces maîtres qui l'a marqué dans ses choix de vie et qui est resté pour lui un modèle. Monsieur Aboukhalil est de ceux-là. C'est pourquoi ce soir nous l'honorons. E viva !

Joseph Salamé